- Voilà une admirable émeraude et la plus grosse que j'aie jamais vue, quoique ma mère ait quelques bijoux de famille assez remarquables, dit Chateau-Renaud.- P, o x4 d2 r; K& F
- J'en avais trois pareilles, reprit Monte-Cristo : j'ai donné l'une au Grand Seigneur, qui l'a fait monter sur son sabre ; l'autre à notre saint-père le pape, qui l'a fait incruster sur sa tiare en face d'une émeraude à peu près pareille, mais moins belle cependant, qui avait été donnée à son prédécesseur, Pie VII par l’empereur Napoléon ; j'ai gardé la troisième pour moi, et je l'ai fait creuser, ce qui lui a ?té la moitié de sa valeur, mais ce qui l'a rendue plus commode pour l'usage que j'en voulais faire. ?
! s: W$ b. a3 z/ e/ a4 s9 y Chacun regardait Monte-Cristo avec étonnement ; il parlait avec tant de simplicité, qu'il était évident qu'il disait la vérité ou qu'il était fou ; cependant l'émeraude qui était restée entre ses mains faisait que l'on penchait naturellement vers la première supposition.
3 A# n; I9 `2 _: ^4 Z2 Q ? Et que vous ont donné ces deux souverains en échange de ce magnifique cadeau ? demanda Debray.
: B H8 C3 N+ u - Le Grand Seigneur, la liberté d'une femme, répondit le comte ; notre saint-père le pape, la vie d'un homme. De sorte qu'une fois dans mon existence j'ai été aussi puissant que si Dieu m'e?t fait na?tre sur les marches d'un tr?ne.
; s6 q$ h. h/ j2 M6 T7 p - Et c'est Peppino que vous avez délivré, n'est-ce pas ? s'écria Morcerf ; c'est à lui que vous avez fait l'application de votre droit de grace ?4 e% U! H) f: l/ D5 x* V" q7 l
- Peut-être, dit Monte-Cristo en souriant.- B1 z4 N# p5 ^1 n T
- Monsieur le comte, vous ne vous faites pas l'idée du plaisir que j'éprouve à vous entendre parler ainsi ! dit Morcerf. Je vous avais annoncé d'avance à mes amis comme un homme fabuleux, comme un enchanteur des Mille et une Nuits ; comme un sorcier du Moyen 5ge ; mais les Parisiens sont gens tellement subtils en paradoxes, qu'ils prennent pour des caprices de l'imagination les vérités les plus incontestables, quand ces vérités ne rentrent pas dans toutes les conditions de leur existence quotidienne. Par exemple, voici Debray qui lit, et Beauchamp qui imprime tous les jours qu'on a arrêté et qu'on a dévalisé sur le boulevard un membre du Jockey-Club attardé ; qu'on a assassiné quatre personnes rue Saint-Denis ou faubourg Saint-Germain ; qu'on a arrêté dix, quinze, vingt voleurs, soit dans un café du boulevard du Temple, soit dans les Thermes de Julien, et qui contestent l'existence des bandits des Maremmes, de la campagne de Rome ou des marais Pontins. Dites-leur donc vous-même, je vous en prie, monsieur le comte, que j'ai été pris par ces bandits, et que, sans votre généreuse intercession, j'attendrais, selon toute probabilité, aujourd'hui, la résurrection éternelle dans les catacombes de Saint-Sébastien, au lieu de leur donner à d?ner dans mon indigne petite maison de la rue du Helder.
" {7 ^! X- y3 f+ k - Bah ! dit Monte-Cristo, vous m'aviez promis de ne jamais me parler de cette misère." j' b+ i! ?5 h4 B0 d0 R
- Ce n'est pas moi, monsieur le comte ! s'écria Morcerf, c'est quelque autre à qui vous aurez rendu le même service qu'à moi et que vous aurez confondu avec moi. Parlons-en, au contraire, je vous en prie ; car si vous vous décidez à parler de cette circonstance, peut-être non seulement me redirez-vous un peu de ce que je sais, mais encore beaucoup de ce que je ne sais pas.
6 X# k9 ^- M! B5 D _8 ` - Mais il me semble, dit en souriant le comte, que vous avez joué dans toute cette affaire un r?le assez important pour savoir aussi bien que moi ce qui s'est passé.
! N# G8 I. {5 o+ T, S9 G - Voulez-vous me promettre, si je dis tout ce que je sais, dit Morcerf, de dire à votre tour tout ce que je ne sais pas ?
h# x/ Y7 {6 ]& a2 y- \+ b0 i - C'est trop juste, répondit Monte-Cristo.) ?9 J- W5 W) z
- Eh bien, reprit Morcerf, d?t mon amour-propre en souffrir, je me suis cru pendant trois jours l'objet des agaceries d'un masque que je prenais pour quelque descendante des Tullie ou des Poppée, tandis que j'étais tout purement et simplement l'objet des agaceries d'une contadine ; et remarquez que je dis contadine pour ne pas dire paysanne. Ce que je sais, c'est que, comme un niais, plus niais encore que celui dont je parlais tout à l'heure, j'ai pris pour cette paysanne un jeune bandit de quinze ou seize ans, au menton imberbe, à la taille fine, qui, au moment où je voulais m'émanciper jusqu'à déposer un baiser sur sa chaste épaule, m'a mis le pistolet sous la gorge, et, avec l'aide de sept ou huit de ses compagnons, m'a conduit ou plut?t tra?né au fond des catacombes de Saint-Sébastien, où j'ai trouvé un chef de bandits fort lettré, ma foi, lequel lisait les Commentaires de César, et qui a daigné interrompre sa lecture pour me dire que si le lendemain, à six heures du matin, je n'avais pas versé quatre mille écus dans sa caisse, le lendemain à six heures et un quart j'aurais parfaitement cessé d'exister. La lettre existe, elle est entre les mains de Franz, signée de moi, avec un post-scriptum de ma?tre Luigi Vampa. Si vous en doutez, j'écris à Franz, qui fera légaliser les signatures. Voilà ce que je sais. Maintenant, ce que je ne sais pas, c'est comment vous êtes parvenu, monsieur le comte, à frapper d'un si grand respect les bandits de Rome, qui respectent si peu de chose. Je vous avoue que, Franz et moi, nous en f?mes ravis d'admiration. |