</p>« Ainsi, dit-il, pâlissant de colère, sept armées coalisées auront renversé cet homme ; un miracle du ciel m'aura replacé sur le trône de mes pères après vingt-cinq ans d'exil ; j'aurai, pendant ces vingt-cinq ans, étudié, sondé, analysé les hommes et les choses de cette France qui m'était promise, pour qu'arrivé au but de tous mes voeux, une force que je tenais entre mes mains éclate et se brise !
! N5 I* f3 W6 k. N; q5 [- Sire, c'est de la fatalité, murmura le ministre, sentant qu'un pareil poids, léger pour le destin, suffisait à écraser un homme.
8 n* }* X3 \- N$ w- Mais ce que disaient de nous nos ennemis est donc vrai : Rien appris, rien oublié ? Si j'étais trahi comme lui, encore, je me consolerais ; mais être au milieu de gens élevés par moi aux dignités, qui devaient veiller sur moi plus précieusement que sur eux-mêmes, car ma fortune c'est la leur, avant moi ils n'étaient rien, après moi ils ne seront rien, et périr misérablement par incapacité, par ineptie ! Ah ! oui, monsieur, vous avez bien raison, c'est de la fatalité. »
$ @9 A* U. ~; ~; d7 [7 N# T' ZLe ministre se tenait courbé sous cet effrayant anathème. - }# G% w+ y, A, C/ U
M. de Blacas essuyait son front couvert de sueur ; Villefort souriait intérieurement, car il sentait grandir son importance.
) \/ b# | f4 N+ K- H) ^% o7 i« Tomber, continuait Louis XVIII, qui du premier coup d'oeil avait sondé le précipice où penchait la monarchie, tomber et apprendre sa chute par le télégraphe ! oh ! j'aimerais mieux monter sur l'échafaud de mon frère Louis XVI, que de descendre ainsi l'escalier des Tuileries, chassé par le ridicule... Le ridicule, monsieur, vous ne savez pas ce que c'est, en France, et cependant vous devriez le savoir.
& V5 J' V1 x) m, Z- L7 V1 f, j; E- Sire, Sire, murmura le ministre, par pitié !... # [' Q3 s4 h& r; q7 u. ?4 |1 s+ N
- Approchez, monsieur de Villefort, continua le roi s'adressant au jeune homme, qui, debout, immobile et en arrière, considérait la marche de cette conversation où flottait éperdu le destin d'un royaume, approchez et dites à monsieur qu'on pouvait savoir d'avance tout ce qu'il n'a pas su.
" j7 N/ W9 a$ Y, x) z- Sire, il était matériellement impossible de deviner les projets que cet homme cachait à tout le monde. / k6 k; F8 \( d4 Q) U' r: S
- Matériellement impossible ! oui, voilà un grand mot, monsieur ; malheureusement, il en est des grands mots comme des grands hommes, je les ai mesurés. Matériellement impossible à un ministre, qui a une administration, des bureaux, des agents, des mouchards, des espions et quinze cent mille francs de fonds secrets, de savoir ce qui se passe à soixante lieues des côtes de France ! Eh bien, tenez, voici monsieur, qui n'avait aucune de ces ressources à sa disposition, voici monsieur, simple magistrat, qui en savait plus que vous avec toute votre police, et qui eût sauvé ma couronne s'il eût eu comme vous le droit de diriger un télégraphe. » & g) }" H% j k% A4 L
Le regard du ministre de la Police se tourna avec une expression de profond dépit sur Villefort, qui inclina la tête avec la modestie du triomphe. ( p) U. y* ?# d- R; m
« Je ne dis pas cela pour vous, Blacas, continua Louis XVIII, car si vous n'avez rien découvert, vous, au moins avez-vous eu le bon esprit de persévérer dans votre soupçon : un autre que vous eût peut-être considéré la révélation de M. de Villefort comme insignifiante, ou bien encore suggérée par une ambition vénale. » & p0 d/ |9 w3 i- K
Ces mots faisaient allusion à ceux que le ministre de la Police avait prononcés avec tant de confiance une heure auparavant. ' C1 b4 h5 u3 b
5 {' A& c. }6 N5 D8 oVillefort comprit le jeu du roi.. Un autre peut-être se serait laissé emporter par l'ivresse de la louange ; mais il craignit de se faire un ennemi mortel du ministre de la Police, bien qu'il sentît que celui-ci était irrévocablement perdu. En effet, le ministre qui n'avait pas, dans la plénitude de sa puissance, su deviner le secret de Napoléon, pouvait, dans les convulsions de son agonie, pénétrer celui de Villefort : il ne lui fallait, pour cela, qu'interroger Dantès. Il vint donc en aide au ministre au lieu de l'accabler. |